Comme nous le redoutions, la "révolution" libyenne n'aura pas pris. Les appétits féroces des "voisins" du Nord ont eu raison de ce grand pays pétrolier que le régime stupide de kadhafi leur a livré sur un plateau d'argent...Nicolas Sarkozy peut sourire, il a réussi à "niquer" le fanfaron de Tripoli après lui avoir baisé la main quelques mois plus tôt sur le perron de l'Elysée.
Il ne faut pas se tromper ! La Libye ne sera ni démocratique ni prospère. Ses dirigeants actuelles ont tous été nourris à la cuillère de Kadhafi. L'appareil militaire - en fait une escouade de pieds nickelés sanguinaires - n'a aucune envie de voir s'installer un régime démocratique à la tête de la Libye car la Libye, c'est l'Algérie puissance 10...
C'est franchement dommage car les occidentaux ont une fois de plus démontré qu'ils se foutent éperdument des peuples du Sud et que seuls leurs intérêts comptent. Jusqu'au bout, ils ont soutenu leurs protégés Ben Ali et Moubarak sans compter notre Majesté majestueuse Mohammed le VI ièm.....
Mais tout a une fin...
lundi 29 août 2011
samedi 30 avril 2011
Solidarité avec le Maroc !
Quelque soient le ou les commanditaires de cet abominable crime, Notre Maroc appelle l'ensemble des marocains de France et d'ailleurs à manifester leur soutien à nos frères nationaux. Nous appelons nos amis français et européens à continuer à rendre visite au Maroc ( et à la Tunisie) et ne pas annuler leur voyage.
Nous avons besoin de nos amis pour continuer notre lutte pacifique pour une monarchie parlementaire où le roi règne mais ne gouverne pas.
Hassan FILALI
Nous avons besoin de nos amis pour continuer notre lutte pacifique pour une monarchie parlementaire où le roi règne mais ne gouverne pas.
Hassan FILALI
vendredi 29 avril 2011
Quel intérêt, les islamistes auraient-ils, de faire exploser une bombe en plein coeur de la Place Jemaa El Fna ?
Cette question, tous les observateurs sérieux et avisés de l'actualité du monde arabe se la pose. Au moment où le Royaume vacille sous les coups de butoir de la rue marocaine, cet attentat odieux et lâche, accrédite l'idée selon laquelle, derrière les mouvements pacifistes qui défient courageusement le makhzen et l'absolutisme monarchique, se cachent la pieuvre de l'islamisme terroriste.
Car, pour le pouvoir en place, cet attentat tombe bien...
Il va permettre de renouer avec une répression que la popularité du Printemps Arabe avait réussi à déjouer jusqu'à présent. Déjà, dans les locaux du Ministère de l'Intérieur et du Palais, s'échafaude les plans visant à réprimer ces manifestations qui commençaient sérieusement à ébranler le régime.
Les malheureuses victimes européennes de l'attentat vont ainsi justifier le retournement de l'opinion publique européenne et permettre à l'argumentation officielle, de justifier l'injustifiable en défendant honteusement la répression qui va suivre.
J'aimerais croire que ce que je dis ne sont que supputations et fantasmes. De toutes mes forces, je veux croire en l'innocence des services de sécurité marocains, mais je connais trop ce pays pour ne pas considérer l'hypothèse de la manipulation. Nos voisins algériens desquels nous nous sommes rapprochés ces derniers mois et notamment ces dernières semaines, en connaissent un rayon et je crains que dans la panique, nous ayons recherché auprès de ces derniers, conseils et soutiens...
Le Maroc n'en finira pas avec les manifestations même si la répression doit à nouveau s'inviter dans la confrontation. La semaine dernière, dans les colonnes du journal Le Monde, l'intellectuel français Edgar Morin nous invitait à la prudence. La révolution arabe, dit-il en substance, est engagée mais il faudra du temps avant que la démocratie ne s'installe...
Pendant ce temps, les Tunisiens s'offrent le luxe admirable de se hisser aux cotés de la Finlande et de la Suède dans l'exigence constitutionnelle de parité, renvoyant la France loin derrière... C'est tout bonnement formidable et en tant que marocain, je sais désormais que c'est possible en terre d'Islam.
dimanche 27 mars 2011
Marches "spontanées", une vieille rengaine pour de vieux régimes ...
Si le monde arabe s'est fait une spécialité, c'est bien l'organisation de mouvements "spontanés". Au Maroc, comme en Algérie, en Lybie ou ailleurs, on en connait un rayon... Mais personne dans la rue arabe n'est dupe... Si l'organisation de ces "marches" en faveur du pouvoir n'était pas arrosé de dirham ou de dollars, elles ne réuniraient pas un âne...
Le Roi peut donc ameuter ses réseaux et ses soutiens makhzéniens. Il peut même susciter les slogans qui y seront scandés, rien ne fera croire à personne qu'ils sont sincères et réels. Ce que veulent les marocains, c'est un changement majeur et ce changement doit venir du coeur du régime là où il puise sa force et son pouvoir. Le roi doit changer de perspectives et vite. Le temps passe et la contestation ira en grandissant.
Pour le moment, les marocains tiennent bons. Ils ne se laissent pas emportés par l'impatience, tous conscients de la nécessité de ne pas laisser la violence s'installer. Mais cette patience a forcément des limites. La responsabilité de ce qui se produit et de se qui peut se produire ne se situe certainement pas dans la rue mais bel et bien au palais royal.
La Monarchie doit se moderniser sans attendre et tout ce qui sera entrepris pour gagner du temps sera balayé et le Roi le paiera très cher...
Hassan Filali
Maroc : un "Mouvement du 9 mars" favorable au roi s'oppose au "Mouvement du 20 février"
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20 000 personnes à Casablanca - Ahcéne Lajib pour le Monde |
pour Le Monde.fr | 26.03.11 | 19h48
A Casablanca, le 20 mars, les manifestants réclament plus de démocratie et moins de corruption. Des pancartes demandent le départ du secrétaire particulier du roi.
Envoyée spéciale à Rabat - Les royalistes marcheront-ils ? La manifestation des partisans du roi Mohammed VI, de nouveau annoncée dimanche 27 mars à Casablanca, comme le rapporte dans son édition du 25 mars le journal Al Alam, proche du parti au pouvoir, l’Istiqlal, a toujours été jusqu’ici reportée. Mais les royalistes se sont déjà donné rendez-vous sur le net. Un groupe baptisé "Mouvement du 9 mars", vient de se constituer pour s’opposer au "Mouvement du 20 février". A travers ces deux dates symboliques se joue en réalité le printemps marocain.
Le premier, le "Mouvement du 20 février" est né sur Facebook à l’initiative de jeunes, déterminés à obtenir plus de libertés. Le 20 février, les premières manifestations ont ainsi réuni plusieurs milliers de Marocains pour réclamer une monarchie parlementaire, la démission du gouvernement et du parlement, et dénoncer la corruption. Le 9 mars, le souverain marocain, qui a succédé à son père, Hassan II, en 1999, a tenté de couper court à cette vague de contestation en prononçant un discours à la nation dans lequel il a promis une révision de la Constitution, un gouvernement issu des élections, non plus désigné, et a nommé pour ouvrir ce chantier une commission ad hoc. Présidée par Abdelatif Mennouni, cette commission a prévu de commencer ses auditions lundi 28 mars, en recevant partis et syndicats jusqu’au 7 avril.
Le discours du roi n’a cependant pas suffi à désamorcer la contestation puisque le 20 mars, des milliers de Marocains (20 000 à Casablanca, 10 000 à Tanger, plus de 6 000 à Rabat…) sont de nouveau descendus dans la rue. "On peut parler d’une victoire du 20 mars, il n’y a eu aucune vitrine cassée, aucune égratignure", se réjouit Karim Tazi, un chef d’entreprise prospère qui participe à toutes les manifestations depuis le début.
"LES GESTES TARDENT"
Numéro un de la literie au Maroc, ancien président de la puissante fédération des industries du textile marocaines, cet industriel atypique, fils d’un communiste qui fit fortune en introduisant le plastique au Maroc, est l’un des rares patrons à soutenir le mouvement. "Et pourtant, jure-t-il, tout ce que je dis, je l’ai entendu dans les salons de la bourgeoisie casablancaise des milieux d’affaire, je n’invente rien".
Pour lui, plus que la revendication démocratique, "c’est d’abord la sanction et le rejet d’une gouvernance", avec son cortège de corruption, qui nourrit le mouvement de contestation. Or, ajoute M. Tazi, à plusieurs reprises, les promesses de réforme ont été formulées dans le passé et sont restées sans suite. "Les gestes tardent", souligne-t-il, à commencer par la libération de tous les prisonniers politiques réclamés par les manifestants, dont celle du journaliste et défenseur des droits de l’homme, Chekib El Khiari, condamné en 2009 à trois ans de prison et à une forte amende pour avoir dénoncé sur une chaîne de télévision l’implication de hauts responsables de l’Etat dans le trafic de drogue.
Critique envers le pouvoir, le chef d’entreprise marocain, qui aspire à la "fin de la culture du Makhzen" (terme qui désigne les institutions du pouvoir, au Maroc), n’en demeure pas moins prudent sur l’avenir du mouvement : "au fur et à mesure qu’on s’éloignera de la protestation et qu’on rentrera dans les propositions, les dissensions vont augmenter, estime M. Tazi. Les jeunes, par euphorie et par ivresse ne l’ont pas encore compris".
Pour l’heure, la mobilisation reste cependant forte. Surpris par cette ténacité, les partisans du roi ont riposté par la création du Mouvement du 9 mars. La prochaine étape sera la marche prévue dimanche, au risque de déboucher sur une confrontation .
Isabelle Mandraud
vendredi 25 mars 2011
Des centaines de journalistes manifestent au Maroc
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Manifestation à Casablanca le 20 mars - Reuters |
Pour la seconde fois cette semaine, des centaines de journalistes se sont rassemblés, vendredi 25 mars, au Maroc, à Rabat et à Casablanca, cette fois devant les deux chaînes publiques pour revendiquer une télévision indépendante et l'amélioration de leurs conditions de travail, dans un pays où les médias du service public sont contrôlés par les autorités.
"Nous voulons plus de diversité", "Cessez la marginalisation des compétences", "Le peuple veut une chaîne nationale", scandaient les journalistes devant les sièges des deux télévisions publiques, 2M, à Casablanca, et la Radio télévision marocaine (RTM), à Rabat. "Les programmes de notre chaîne ne reflètent pas la diversité politique, sociologique et culturelle du Maroc. Il n'y a aucun mécanisme de sanction et de contrôle de la direction", a déclaré à l'AFP Abdessamad Bencherif, journaliste à la deuxième chaîne publique à Casablanca. "Il y a un cumul de plusieurs années de médiocrité à cause notamment du manque de professionnalisme."
Mardi, une centaine de personnes, pour la plupart des journalistes de l'agence marocaine MAP, s'étaient déjà rassemblées à Rabat pour revendiquer "l'indépendance éditoriale" et l'amélioration de leurs conditions de travail, une première depuis la création de cette agence.
Ces rassemblements interviennent quelques jours après d'importantes manifestations, dimanche 20 mars, dans plusieurs villes du pays pour réclamer des changements politiques profonds, davantage de démocratie et moins de corruption, et après le discours du roi Mohammed VI du 9 mars, annonçant d'importantes réformes constitutionnelles.
Fondée en 1959, l'agence marocaine MAP (Maghreb Arabe Press) est souvent critiquée pour sa proximité avec le pouvoir, aussi bien par la presse marocaine que par des ONG. Selon le secrétaire général du Syndicat de la presse marocaine (SNPM), Younès Moujahid, "le contribuable finance ces médias publics, mais ces derniers sont au service du pouvoir officiel".
Pour en savoir plus, lire l'article du Monde daté du 25 mars : "Au Maroc, les journalistes se joignent à la protestation"
mardi 22 mars 2011
La France est-elle en train de tout perdre en Méditerrannée ?
Les frappes de « la communauté internationale » s’intensifient sur la Libye et pendant que la coalition se dispute le leadership en bataillant sur la question du commandement, le colonel Kadhafi continue de vociférer de son bunker.
Dans ce blog, nous n’avons eu de cesse de rappeler à quel point nous haïssions le régime de Kadhafi. Dans chacune des percées des insurgés, nous avons prié pour qu’ils réussissent à faire tomber cette caste malfaisante et avec elle, tous les archaïsmes politiques de la Libye. Pour nous, il n’y a jamais eu d’ambigüité, le Printemps arabe doit se poursuivre partout en prenant, si besoin, des formes propres aux histoires de chacune des nations.
Pour autant nous ne sommes pas d’accord avec cette intervention occidentale qui n’est pas sans rappeler le terrible traumatisme de la guerre d’Irak.
Même si la résolution du Conseil de Sécurité, s’inscrit dans un contexte différent de celui de la seconde guerre du Golfe, les frappes occidentales sur un pays arabe, restent toujours très difficiles a supporter, même lorsqu’elle vise, officiellement, à éviter le massacre des insurgés de Benghazi.
Ces frappes sont, à l’évidence, une bonne nouvelle pour les insurgés mais elles ne sont, malheureusement, pas engagées pour leur venir en aide. En vérité, cette intervention est calculée et vise essentiellement à préparer la mise sous tutelle par la France de la Libye libérée.
C’est la raison pour laquelle, les Italiens qui l’ont bien compris, se battent comme des fous pour que le commandement des opérations soit confié à l’OTAN, histoire de diluer les prétentions françaises et anticiper les aspirations hégémoniques de Paris.
La France a perdu la confiance de la Tunisie et de l’Egypte. Elle n’a pas celle de l’Algérie et celle du Maroc risque de lui échapper à tout moment. A l'Est, la Syrie vacille également et Israël continue de garder la confiance de Sarkozy contre les Palestiniens. Toute la rive Sud de la Méditerranée est en train de revoir ses alliances à l’aune de ses propres intérêts et dans cet aggiornamento, la France a beaucoup à perdre. Et comme à son habitude, Nicolas Sarkozy, le fantasque Président de la République Française, s’énerve et s’impatiente, incapable de prendre la bonne décision.
Il pense que cette guerre, dans le droit fil de la doctrine électorale néoconservatrice, va lui permettre de gagner la confiance des français. Pour Sarkozy, une bonne petite guerre, va sans doute, conduire le peuple français à lui pardonner ses errements de politique intérieure…
C’est vraiment dommage… Car après l’épisode calamiteux de la gestion diplomatique des révolutions tunisiennes et égyptiennes, il y avait tant de choses à faire pour redorer l’image de la France.
jeudi 17 mars 2011
Solidarité avec le Japon !
Alors que le pauvre Japon tente de se sortir de l'épouvantable catastrophe qui s'est abattue sur lui, il est bon de rappeler que nous sommes tous concernés par cette tragédie.
La rédaction de Notre Maroc présente au courageux peuple du Japon, toutes ses condoléances et l'assure de tout son soutien. Nous prions pour que les victimes soient secourus et que ce vieux pays réussisse à vaincre le feu atomique dont nous craignons les effets pour les japonais mais aussi pour tous les pays du Monde.
Nous invitons tous nos lecteurs à se rendre sur le site de la Croix Rouge Française ( www.croix-rouge.fr) pour apporter une contribution.
Merci pour eux.
Hassan FILALI
La rédaction de Notre Maroc présente au courageux peuple du Japon, toutes ses condoléances et l'assure de tout son soutien. Nous prions pour que les victimes soient secourus et que ce vieux pays réussisse à vaincre le feu atomique dont nous craignons les effets pour les japonais mais aussi pour tous les pays du Monde.
Nous invitons tous nos lecteurs à se rendre sur le site de la Croix Rouge Française ( www.croix-rouge.fr) pour apporter une contribution.
Merci pour eux.
Hassan FILALI
mercredi 16 mars 2011
La sacralité de la monarchie marocaine est un frein à la démocratisation.
Oui, le discours prononcé par Mohammed VI le 9 mars est historique. Mais non, ce n'est pas parce qu'il annonce une réforme de la Constitution. Si ce discours doit faire date, c'est parce qu'en le prononçant le roi du Maroc a cédé à un rapport de forces. C'est la première fois que cela arrive depuis l'indépendance en 1956. Ne serait-ce qu'à cause de cela, le cours de l'histoire a déjà changé.
Le bras de fer avait été engagé le 20 février. Répondant à l'appel lancé sur Facebook par une poignée de jeunes activistes, 120 000 Marocains avaient investi les rues de 53 villes et localités du royaume pour réclamer - entre autres - une Constitution démocratique.
Craignant une contagion des révolutions arabes, le pouvoir avait laissé les manifestations se dérouler sans intervenir. Résultat : les manifestants ont pris conscience de leur nombre, et le mur de la peur est tombé. Depuis, à coups de sit-in spontanés aux quatre coins du royaume et de tribunes enflammées dans la presse et sur Internet, la pression démocratique n'a cessé d'augmenter. Considérable en février, elle est devenue insoutenable en mars. Le 9, le roi est donc apparu à la télévision pour annoncer une réforme spectaculaire de la Constitution. Au menu : "L'Etat de droit", "l'indépendance de la justice" et un "gouvernement élu émanant de la volonté populaire exprimée par les urnes". Victoire de la démocratie ? Pas si vite...
En relisant le discours, on réalise que le diable est dans les détails. Ainsi, quand le roi promet de "renforcer le statut du premier ministre", ce n'est pas en tant que chef "du" pouvoir exécutif, mais "d'un" pouvoir exécutif. Comprenez : il y en aura un autre ailleurs - au palais royal, par exemple.
Réforme constitutionnelle ou pas, la "monarchie exécutive" (l'expression est de Mohammed VI) n'a pas fini d'empiéter sur les prérogatives du gouvernement élu. C'est un peu comme si vous marchiez sur le pied de quelqu'un et qu'au lieu de faire un pas de côté vous promettiez de lui acheter de nouvelles chaussures...
Il est évident que le problème, ce n'est pas les pouvoirs du premier ministre mais bel et bien ceux du roi - et plus particulièrement leur volet spirituel, sachant que l'islam est religion d'Etat au Maroc. Sur ces pouvoirs-là, Mohammed VI a annoncé d'emblée le 9 mars qu'il n'y aurait aucun débat. Selon l'article 19 de la Constitution, le monarque est "commandeur des croyants" et, selon l'article 23, sa personne est "sacrée". Pour boucler la boucle, l'article 29 lui donne le droit de gouverner en produisant des dahirs, décrets royaux faisant loi et non susceptibles de recours.
En toute simplicité : au nom de l'islam, le roi du Maroc peut faire absolument tout ce qu'il veut sans que personne ne puisse s'y opposer. En 1994, feu Hassan II avait justifié cette imparable mécanique politico-religieuse (dont il est l'ingénieur) en citant le Prophète Mahomet : "Celui qui m'obéit obéit à Dieu et celui qui me désobéit désobéit à Dieu." Difficile d'être plus clair...
C'est Mohammed VI qui le dit : la démocratie suppose que les responsables rendent des comptes. Sauf que cette disposition ne s'applique pas à lui. Allez demander des comptes au "représentant de Dieu sur terre", comme le dit l'acte d'allégeance au roi du Maroc...
Autre élément qui devrait sérieusement limiter la portée de la réforme : l'identité de ceux qui sont censés la mettre en oeuvre. Au lendemain de son discours, le roi a désigné une commission de réforme de la Constitution formée, à une ou deux exceptions près (sur dix-huit membres), de hauts fonctionnaires et autres commis de l'Etat peu susceptibles d'indépendance.
Le président de la commission, Abdeltif Menouni, 67 ans, fait partie de cette génération de juristes recrutés dans les années 1980 par Driss Basri, l'ancien homme fort du régime, pour justifier le despotisme d'Hassan II. Expert en droit constitutionnel, l'homme s'était révélé doué dans cet exercice. Il expliquait ainsi la notion de prérogative royale comme "le pouvoir discrétionnaire du monarque d'agir pour le bien de l'Etat en l'absence d'une disposition constitutionnelle ou bien par une interprétation personnelle de celle-ci". On l'imagine mal aujourd'hui, à l'apogée de sa carrière, déconstruire ces "prérogatives" autocratiques qu'il a lui même définies.
Malgré son discours à clés et sa commission peu crédible, Mohammed VI s'est mis en grande difficulté. Quel que soit le contenu du projet final de nouvelle Constitution, il devra être validé par référendum. Ne serait-ce que pour cela, le roi sera obligé d'ouvrir le système d'une manière ou d'une autre. Le simple fait d'accepter que les partisans du "non" puissent s'exprimer librement sur les médias publics consistera déjà à affaiblir le concept, censément intouchable, de sacralité royale. Comment admettre que les Marocains puissent refuser un texte proposé par le commandeur des croyants ? Mise sous pression par la rue, la monarchie est en train d'atteindre son ultime contradiction : entre la démocratie et la sacralité, elle devra choisir.
Pas forcément consciente de ces enjeux politiques profonds, la rue, elle, attend des signes tangibles de changement. Déjà, la répression d'un sit-in pacifique à Casablanca, le 13 mars, a fait naître le doute. Pourquoi cette violence, quelques jours à peine après que le roi eut promis la démocratie ? Et s'il n'était pas sincère ?
Tous les regards sont désormais braqués sur le dimanche 20 mars, date annoncée des prochaines manifestations de masse. L'Etat ne semble disposer d'aucune bonne option. S'il décide de tomber le masque en réprimant brutalement la foule, le risque d'escalade est élevé. Hantise des autorités, le roi lui-même risquerait de ne plus être épargné par les manifestants, ce qui ouvrirait le champ à un scénario à l'égyptienne.
Si, au contraire, l'Etat lève le pied et laisse les manifestations se dérouler sans encombre, cela encouragera les gens à descendre encore plus dans la rue et à intensifier la pression.
Tôt ou tard, Mohammed VI devra lâcher du lest à nouveau. Jusqu'à quand et jusqu'à quel point ? Difficile à prédire, tant la situation est mouvante et incertaine... Une chose est sûre : la boîte de Pandore démocratique est ouverte, et plus rien ne la refermera.
Ahmed Benchemsi, fondateur du magazine "TelQuel" et chercheur à l'université de Stanford (Etats-Unis) Article paru dans l'édition du journal "Le Monde" du 16.03.11
mardi 15 mars 2011
Solidarité avec le Peuple Libyen ! Khadafi à la CPI !
A l'heure où j'écris ces lignes, les troupes sanguinaires du dictateur Khadafi poursuivent leur sale besogne en bombardant, grâce à l'aviation, le peuple libyen. Ce fou, multimilliardaire, qui est responsable d'une tuerie massive, ne recule devant rien, pour organiser le massacre de son propre peuple.
Devant cette folie sanguinaire, les occidentaux sont appelés à boycotter ce régime de toutes les façons. Après ce massacre et si Khadafi se maintient, l'honneur voudrait que jamais plus ce dernier et sa famille ne soient autorisés à fouler le sol européen.
Nous demandons que le tyran soit poursuivi par la Justice Internationale pour crime de guerre et massacre de masse. Que ses avoirs soient gelés et que tous les contrats qui nous lient à cet être ignoble soient annulés.
vendredi 11 mars 2011
Discours d'un roi ....
On aurait voulu que Mohammed VI soit bègue pour qu'il nous paraisse un peu plus humain. Avec une emphase digne des rois de France d'antan, il nous a délivré un discours que la presse affilié au régime ne cesse de glorifier...comme à son habitude.
En vérité, si le discours contient en effet, quelques annonces, il reste globalement très en deçà de ce que les marocains attendent et notamment la jeunesse qui n'a aucune envie d'attendre. Le propre de ce qui se déroule dans le monde arabe, c'est précisément la vitesse. La jeunesse arabe comme toutes les jeunesses du monde veut vivre le présent, dans l'immédiateté. On peut le regretter mais c'est comme ça...
Le discours est une promesse mais chacun sait qu'avec les régimes arabes, il faut rester très très prudent. Les tergiversations sémantiques royales n'abordent évidemment pas, le fond du fond. La nature du régime, lui même... Je veux bien que la nomination d'un premier ministre issus du parti en tête soit une avancée sur le papier mais dans les faits rien ne changera pour les marocains si on en reste au statu quo actuel. Pour être en phase, il aurait fallu, par exemple que le Roi dise vouloir abandonner tel ou tel pouvoir. Un désengagement inscrit dans un calendrier précis avec un principe; " Le Roi règne mais ne gouverne pas".
C'est là, dans ce principe, que s'inscrit la nouveauté et l'avenir.
Je ne me fais évidemment, pas trop d'illusion, sur le sujet. Quand vous songez que tous les chefs d'états arabes à la tête de "républiques" aient voulu installer leurs fils à la tête du pouvoir, il est difficile d'imaginer qu'un roi qui croit encore au caractère sacré de sa personne, puisse accepter de renoncer à ses pouvoirs. Vous imaginez Mohamed VI renonçant à tous les leviers économiques dont il dispose pour organiser le makhzen ? L'imaginez-vous, répondant aux injonctions du Parlement qui contrôlerait et limiterait éventuellement son train de vie ?
D'où l'importance du mouvement populaire, seul, capable de décider de son avenir et de la nature de son régime. Cela ne viendra malheureusement pas du haut. Ce n'est que dans la rue, organisés et pacifiques, que les marocains obtiendront leur souveraineté pour une prise en compte réel de leurs difficultés.
En maintenant la pression comme continuent de le faire, les tunisiens et les égyptiens, les marocains se donneront les moyens de réussir là où nous avons toujours échoué, prendre son destin en main.
Pour moi, cela ne fait aucun doute. La vague de fond est engagée et rien ne pourra l'arrêter. Il n'appartient qu'au roi de l'entendre !
mardi 8 mars 2011
Une révolution post islamiste. L'excellente analyse de l'excellent Olivier Roy.
L'opinion européenne interprète les soulèvements populaires en Afrique du Nord et en Egypte à travers une grille vieille de plus de trente ans : la révolution islamique d'Iran. Elle s'attend donc à voir les mouvements islamistes, en l'occurrence les Frères musulmans et leurs équivalents locaux, être soit à la tête du mouvement, soit en embuscade, prêt à prendre le pouvoir. Mais la discrétion et le pragmatisme des Frères musulmans étonnent et inquiètent : où sont passés les islamistes ?
Mais si l'on regarde ceux qui ont lancé le mouvement, il est évident qu'il s'agit d'une génération post-islamiste. Les grands mouvements révolutionnaires des années 1970 et 1980, pour eux c'est de l'histoire ancienne, celles de leurs parents. Cette nouvelle génération ne s'intéresse pas à l'idéologie : les slogans sont tous pragmatiques et concrets ("dégage", "erhal") ; il ne font pas appel à l'islam comme leurs prédécesseurs le faisaient en Algérie à la fin des années 1980. Ils expriment avant tout un rejet des dictatures corrompues et une demande de démocratie. Cela ne veut évidemment pas dire que les manifestants sont laïcs, mais simplement qu'ils ne voient pas dans l'islam une idéologie politique à même de créer un ordre meilleur : ils sont bien dans un espace politique séculier. Et il en va de même pour les autres idéologies : ils sont nationalistes (voir les drapeaux agités) mais ne prônent pas le nationalisme. Plus originale est la mise en sourdine des théories du complot : les Etats-Unis et Israël (ou la France en Tunisie, qui a pourtant soutenu Ben Ali jusqu'au bout) ne sont pas désignés comme la cause des malheur du monde arabe. Même le pan-arabisme a disparu comme slogan, alors même que l'effet de mimétisme qui jette les Egyptiens et les Yéménites dans la rue à la suite des événements de Tunis montre qu'il y a bien une réalité politique du monde arabe.
Cette génération est pluraliste, sans doute parce qu'elle est aussi plus individualiste. Les études sociologiques montrent que cette génération est plus éduquée que la précédente, vit plus dans le cadre de familles nucléaires, a moins d'enfants, mais en même temps, elle est au chômage ou bien vit dans le déclassement social. Elle est plus informée, et a souvent accès aux moyens de communications modernes qui permettent de se connecter en réseau d'individu à individu sans passer par la médiation de partis politiques (de toute façon interdits). Les jeunes savent que les régimes islamistes sont devenus des dictatures : ils ne sont fascinés ni par l'Iran ni par l'Arabie saoudite. Ceux qui manifestent en Egypte sont précisément ceux qui manifestaient en Iran contre Ahmedinejad (pour des raisons de propagande le régime de Téhéran fait semblant de soutenir le mouvement en Egypte, mais c'est un règlement de comptes avec Moubarak). Ils sont peut-être croyants, mais séparent cela de leur revendications politiques : en ce sens le mouvement est "séculier", car il sépare religion et politique. La pratique religieuse s'est individualisée.
On manifeste avant tout pour la dignité, pour le "respect" : ce slogan est parti de l'Algérie à la fin des années 1990. Les valeurs dont on se réclame sont universelles. Mais la démocratie qu'on demande aujourd'hui n'est plus un produit d'importation : c'est toute la différence avec la promotion de la démocratie faite par l'administration Bush en 2003, qui n'était pas recevable car elle n'avait aucune légitimité politique et était associée à une intervention militaire. Paradoxalement l'affaiblissement des Etats-unis au Moyen-Orient, et le pragmatisme de l'administration Obama, aujourd'hui permettent à une demande autochtone de démocratie de s'exprimer en toute légitimité.
Ceci dit une révolte ne fait pas une révolution. Le mouvement n'a pas de leaders, pas de partis politiques et pas d'encadrement, ce qui est cohérent avec sa nature mais pose le problème de l'institutionnalisation de la démocratie. Il est peu probable que la disparition d'une dictature entraîne automatiquement la mise en place d'une démocratie libérale, comme Washington l'espérait pour l'Irak. Il y a dans chaque pays arabe, comme ailleurs, un paysage politique d'autant plus complexe qu'il a été occulté par la dictature. Or en fait, à part les Islamistes et, très souvent, les syndicats (même affaiblis), il n'y a pas grand chose.
LES ISLAMISTES N'ONT PAS DISPARU MAIS ONT CHANGÉ
Nous appelons islamistes ceux qui voient dans l'islam une idéologie politique à même de résoudre tous les problèmes de la société. Les plus radicaux ont quitté la scène pour le jihad international et ne sont plus là : ils sont dans le désert avec Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), au Pakistan ou dans la banlieue de Londres. Ils n'ont pas de base sociale ou politique. Le jihad global est complètement déconnecté des mouvements sociaux et des luttes nationales. Bien sûr la propagande d'Al-Qaida essaie de présenter le mouvement comme l'avant-garde de toute la communauté musulmane contre l'oppression occidentale, mais cela ne marche pas. Al-Qaida recrute de jeunes jihadistes dé-territorialisés, sans base sociale, qui ont tous coupé avec leur voisinage et leur famille. Al-Qaida reste enfermé dans sa logique de "propagande par le fait" et ne s'est jamais préoccupé de construire une structure politique au sein des sociétés musulmanes. Comme de plus l'action d'Al-Qaida se déroule surtout en Occident ou vise des cibles définies comme occidentales, son impact dans les sociétés réelles est nul.
Une autre illusion d'optique est de lier la réislamisation massive qu'ont semblé connaître les sociétés du monde arabe au cours des trente dernières années avec une radicalisation politique. Si les sociétés arabes sont plus visiblement islamiques qu'il y a trente ou quarante ans, comment expliquer l'absence de slogans islamiques dans les manifestations actuelles ? C'est le paradoxe de l'islamisation : elle a largement dépolitisé l'islam. La réislamisation sociale et culturelle (le port du voile, le nombre de mosquées, la multiplication des prêcheurs, des chaînes de télévision religieuses) s'est faite en dehors des militants islamistes, elle a aussi ouvert un "marché religieux" dont plus personne n'a le monopole ; elle est aussi en phase avec la nouvelle quête du religieux chez les jeunes, qui est individualiste mais aussi changeante. Bref les islamistes ont perdu le monopole de la parole religieuse dans l'espace public, qu'ils avaient dans les années 1980.
D'une part les dictatures ont souvent (mais pas en Tunisie) favorisé un islam conservateur, visible mais peu politique, obsédé par le contrôle des moeurs. Le port du voile s'est banalisé. Ce conservatisme de l'Etat s'est trouvé en phase avec la mouvance dite "salafiste" qui met l'accent sur la réislamisation des individus et non sur les mouvements sociaux. Bref, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la réislamisation a entraîné une banalisation et une dépolitisation du marqueur religieux : quand tout est religieux, plus rien n'est religieux. Ce qui, vu de l'Occident, a été perçu comme une grande vague verte de réislamisation ne correspond finalement qu'à une banalisation : tout devient islamique, du fast-food à la mode féminine. Mais les formes de piété se sont aussi individualisées : on se construit sa foi, on cherche le prêcheur qui parle de la réalisation de soi, comme l'Egyptien Amr Khaled, et on ne s'intéresse plus à l'utopie de l'Etat islamique. Les "salafis" se concentrent sur la défense des signes et valeurs religieuses mais n'ont pas de programme politique : ils sont absents de la contestation où l'on ne voit pas de femmes en burqa (alors qu'il y a beaucoup de femmes parmi les manifestants, même en Egypte). Et puis d'autres courants religieux qu'on croyait en retrait, comme le soufisme, fleurissent à nouveau. Cette diversification du religieux sort aussi du cadre de l'islam, comme on le voit en Algérie ou en Iran, avec une vague de conversions au christianisme.
Une autre erreur est de concevoir les dictatures comme défendant le sécularisme contre le fanatisme religieux. Les régimes autoritaires n'ont pas sécularisé les sociétés, au contraire, sauf en Tunisie, ils se sont accommodés d'une réislamisation de type néo fondamentaliste, où l'on parle de mettre en œuvre la charia sans se poser la question de la nature de l'Etat. Partout les oulamas et les institutions religieuses officielles ont été domestiqués par l'Etat, tout en se repliant sur un conservatisme théologique frileux. Si bien que les clercs traditionnels, formés à Al-Azhar, ne sont plus dans le coup, ni sur la question politique, ni même sur les grands enjeux de la société. Ils n'ont rien à offrir aux nouvelles générations qui cherchent de nouveaux modèles pour vivre leur foi dans un monde plus ouvert. Mais du coup les conservateurs religieux ne sont plus du côté de la contestation populaire.
UNE CLÉ DU CHANGEMENT
Cette évolution touche aussi les mouvements politiques islamistes, qui s'incarnent dans la mouvance des Frères musulmans et de leurs épigones, comme le parti Nahda en Tunisie. Les Frères musulmans ont bien changé. Le premier point c'est bien sûr l'expérience de l'échec, aussi bien dans l'apparent succès (la révolution islamique d'Iran), que dans la défaite (la répression partout menée contre eux). La nouvelle génération militante en a tiré les leçons, ainsi que des anciens comme Rachid Ghannouchi en Tunisie. Ils ont compris que vouloir prendre le pouvoir à la suite d'une révolution conduisait soit à la guerre civile, soit à la dictature ; dans leur lutte contre la répression ils se sont rapprochés des autres forces politiques. Bons connaisseurs de leur propre société, ils savent aussi le peu de poids de l'idéologie. Ils ont aussi tiré les leçons du modèle turc : Erdogan et le parti AK ont pu concilier démocratie, victoire électorale, développement économique, indépendance nationale et promotion de valeurs sinon islamiques, du moins "d'authenticité".
Mais surtout les Frères musulmans ne sont plus porteurs d'un autre modèle économique ou social. Ils sont devenus conservateurs quant aux mœurs, et libéraux quant à l'économie. Et c'est sans doute l'évolution la plus notable : dans les années 1980, les islamistes (mais surtout les chi'ites) prétendaient défendre les intérêts des classes opprimées et prônaient une étatisation de l'économie, et une redistribution de la richesse. Aujourd'hui les Frères musulmans égyptiens ont approuvé la contre-réforme agraire menée par Moubarak, laquelle consiste à redonner aux propriétaires terriens le droit d'augmenter les baux et de renvoyer leurs fermiers. Si bien que les islamistes ne sont plus présents dans les mouvements sociaux qui agitent le delta du Nil, où l'on observe désormais un retour de la "gauche", c'est dire de militants syndicalistes.
Mais l'embourgeoisement des islamistes est aussi un atout pour la démocratie : faute de jouer sur la carte de la révolution islamique, il les pousse à la conciliation, au compromis et à l'alliance avec d'autres forces politiques. La question aujourd'hui n'est plus de savoir si les dictatures sont le meilleur rempart contre l'islamisme ou non. Les islamistes sont devenus des acteurs du jeu démocratique. Ils vont bien sûr peser dans le sens d'un plus grand contrôle des mœurs, mais faute de s'appuyer sur un appareil de répression comme en Iran, ou sur une police religieuse comme en Arabie saoudite, ils vont devoir composer avec une demande de liberté qui ne s'arrête pas seulement au droit d'élire un parlement. Bref ou bien les islamistes vont s'identifier au courant salafiste et conservateur traditionnels, perdant ainsi leur prétention de penser l'islam dans la modernité, ou bien ils vont devoir faire un effort de repenser leur conception des rapports entre la religion et la politique.
Les Frères musulmans seront d'autant plus une clé du changement que la génération en révolte ne cherche guère à se structurer politiquement. On reste dans la révolte de protestation, pas dans l'annonce d'un nouveau type de régime. D'autre part, les sociétés arabes restent plutôt conservatrices ; les classes moyennes qui se sont développées à la suite des libéralisations économiques veulent de la stabilité politique : elles protestent avant tout contre la nature prédatrice des dictatures, qui confine à la kleptomanie dans le régime tunisien. La comparaison entre la Tunisie et l'Egypte est éclairante. En Tunisie le clan Ben Ali avait affaibli tous ses alliés potentiels, par refus de partager non seulement le pouvoir mais surtout la richesse : la classe des hommes d'affaires a été littéralement escroquée en permanente par la famille, et l'armée a été laissée non seulement hors-jeu sur le plan politique, mais surtout en dehors de la distribution des richesses : l'armée tunisienne était pauvre ; elle a même un intérêt corporatiste à avoir un régime démocratique qui lui assurera sans doute un budget plus élevé.
Par contre en Egypte le régime avait une base sociale plus large, l'armée est associée non seulement au pouvoir mais aussi à la gestion de l'économie et à ses bénéfices. La demande démocratique butera donc partout dans le monde arabe sur l'enracinement social des réseaux de clientélisme de chaque régime. Il y a ici une dimension anthropologique intéressante : la demande de démocratie est-elle capable de dépasser les réseaux complexes d'allégeances et d'appartenances à des corps sociaux intermédiaires (qu'il s'agisse de l'armée, de tribus, de clientèles politiques, etc.). Quelle est la capacité des régimes à jouer sur les allégeances traditionnelles (les Bédouins en Jordanie, les tribus au Yémen) ? Comment ces groupes sociaux peuvent-ils ou non se brancher sur cette demande de démocratie et en devenir des acteurs ? Comment la référence religieuse va se diversifier et s'adapter à des nouvelles situations ? Le processus va être long et chaotique, mais une chose est certaine : nous ne sommes plus dans l'exceptionnalisme arabo-musulman. Les événements actuels reflètent un changement en profondeur des sociétés du monde arabe. Ces changements sont en cours depuis longtemps, mais ils étaient occultés par les clichés tenaces que l'Occident accrochaient sur le Moyen-Orient.
Il y a vingt ans, je publiais L'Echec de l'islam politique. Qu'il ait été lu ou non n'a pas d'importance, mais ce qui se passe aujourd'hui montre que les acteurs locaux ont tiré eux-mêmes les leçons de leur propre histoire. Nous n'en avons pas fini avec l'islam, certes, et la démocratie libérale n'est pas la "fin de l'histoire", mais il faut désormais penser l'islam dans le cadre de son autonomisation par rapport à une culture dite "arabo-musulmane" qui pas plus aujourd'hui qu'hier n'a été fermée sur elle-même.
Olivier Roy, professeur et directeur du programme méditerranéen de l'Institut universitaire européen de Florence (Italie) (contribution extraite du site le Monde.fr)
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