mercredi 16 février 2011

Valise diplomatique à vendre...

La diplomatie française aura été en dessous de tout, non seulement elle n’a rien prévu mais à en croire les confidences des diplomates américains en poste à Tunis, les diplomates français accrédités à Tunis auraient été particulièrement aveuglés par le mirage tunisien. Car si les gouvernements français qui se sont succédés depuis plus de vingt ans ont fait preuve d’une mansuétude coupable vis à vis du régime autocratique de Ben Ali, rien ne permet de comprendre pourquoi cette infamie a t-elle duré si longtemps.

Sur la foi de quelles analyses les experts français ont-ils pu croire, il y a quelques mois encore, que ce régime allait encore perdurer ?

Il n’y a qu’une diplomatie en sustentation perpétuelle, sans aucun ancrage dans la réalité tunisienne, pour imaginer qu’un tel régime puisse être appelé à tenir encore et encore.

Que l’on ait pu sous-estimer la vitesse de la fuite de Ben Ali n’est effectivement pas étonnant mais que l’on ait pu croire qu’un tel régime pouvait encore se maintenir encore des années après tous ces changements intervenus dans le monde, en dit long sur l’intelligence de nos élites. Car, enfin, qui pouvait croire et qui peut croire encore que, sous l’ère d’Internet, de la CPI, du 11 septembre et du cataclysme planétaire qui s’en est suivi notamment avec les aventures afghanes et irakiennes, le monde arabe resterait figé dans le roc des absolutismes médiévaux dans lesquels ils est confiné depuis deux générations ?

L’histoire s’accélère et avec elle, les sociétés arabes bougent. L’apparition d’une classe moyenne et la chute vertigineuse des taux de fécondité auxquelles viennent s’ajouter les mutations du capitalisme mondial entraîne une instabilité majeure dans le monde.

Jamais depuis la seconde guerre mondiale nous avions fait l’expérience de tels changements.

Devant tant de bouleversements, il faudrait être fou pour imaginer que les arabes resteraient en marge du mouvement, eux qui vivent depuis tant d’années, sous l’influence néfaste d’un occident arrogant et donneur de leçons. Car ne nous y trompons pas. Ce que disent les Maghrébins, c’est qu’ils en ont assez que leurs pays soient aux commandes de Paris, Londres ou Bruxelles. Car jusqu’à présent, seuls les intérêts des occidentaux ont été préservés et défendus.

Regardons par exemple, la manière dont sont gérés aujourd’hui les questions relatives à la maîtrise des migrations. Les Marocains et les Algériens ont été sommés par les Européens de refouler les immigrants africains dans des conditions ignobles. Par centaines, ils ont été parqués dans des camions-benne puis « relâchés » aux confins du désert sans aucun souci pour leur subsistance.

Les Maghrébins n’ont aucun intérêt à se comporter comme des barbares en lieux et place des espagnoles, des italiens, des français ou des maltais… D’ailleurs et dans une espèce de cynisme incroyable, les télévisions de ces pays ont passé ces images en boucle pour mieux apitoyer ces états – arroseurs arrosés -  présentés comme des pays sans sans foi ni loi.

L’exemple Libyen est, lui aussi, caricatural. Littéralement payée pour faire la chasse aux clandestins, la sinistre police libyenne a réussi le tour de force d’arrêter tous les flux migratoires clandestins vers l’Italie. Le boucher de Tripoli, qui règne sur un empire économique gigantesque, est devenu le carabinieri de Berlusconi  et ce faisant, il a donné à l’Europe les arguments nécessaires pour poursuivre sa politique mortifère.

Les africains n’ont qu’à mourir de faim et de maladie, enfermés qu’ils sont dans la nouvelle prison-continent qu’est devenu l’Afrique. Avec des matons comme Bongo ou Sassou, l’ordre sera assuré !

Voyons également, l’énorme scandale des législations occidentales relative à la lutte contre la corruption. Elles autorisent ailleurs ce qu’elles interdisent chez elles. Les français ont d’ailleurs été particulièrement cyniques dans cette affaire en justifiant tous les excès.

A t-on idée de la manière dont ces comportements sont vécus par les peuples qui souffrent de la corruption ? Bien plus que les corrompus, ce sont les corrupteurs qui créent un sentiment de rage et de haine dans les opinions arabes et plus généralement dans les pays pauvres.

Que pense, aujourd’hui, le peuple pakistanais de l’affaire dite de Karachi, quand des corrupteurs français arrosent des généraux qui ont été incapables de secourir leurs enfants lors du terrible tremblement de terre de l’année dernière et des meurtrières inondations qui ont ravagé le nord du pays.

Que pensent les Gabonais et les Congolais de la manière dont la manne pétrolière est accaparée par la France et ses sociétés, qui non seulement exploitent leur pétrole mais en plus, imposent des dictateurs sanguinaires qui accumulent des richesses notamment immobilières dont Paris est devenu la caricature ?

En toile de fond de ces révoltes qui se transforment en révolutions, toutes ces questions sont loin d’être anecdotiques. Elles pèsent très durement dans les revendications qu’on entend. Les Européens et les Américains du Nord doivent l’entendre et cesser de prendre tous ces peuples pour des imbéciles. Le temps des influences de ce type est passé, bel et bien passé… Et les diplomaties européennes devront désormais en tenir compte.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire